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Avant mon départ pour l’Espagne, de nombreuses personnes m’ont dit : « Faites votre propre Camino ». Il ne m’a pas fallu longtemps pour en comprendre l’importance. Certaines personnes marchaient naturellement plus vite ou plus lentement que moi. Il m’arrivait d’ajuster ma vitesse dans le but d’engager le dialogue avec eux, mais marcher à un rythme qui n’est pas le sien est inconfortable, qu’il soit plus rapide ou plus lent.

Le premier jour, j’ai rencontré deux personnes qui marchaient ensemble – Hans, d’Allemagne, et José, du Pérou. Ils voulaient que je marche avec eux, ce que j’ai fait pendant un certain temps. À un moment donné, Hans et José allaient beaucoup plus vite que moi, et Hans répondait « Allez! Dépêche-toi! » Mais en fin de compte, je savais que je ne pourrais pas suivre Hans, un marathonien. Je devais me résoudre à les laisser continuer sans moi. J’ai appris plus tard que José avait marché trop vite pour essayer de suivre Hans et qu’il avait des problèmes aux pieds quelques jours plus tard. Marchez votre propre Camino!

Cette expérience allait être la première d’une douzaine de fois où j’allais me lier à certaines personnes pendant quelques heures ou même quelques jours, puis devoir les laisser partir – soit parce que j’étais plus rapide ou plus lent, soit parce que j’avais choisi d’emprunter un autre itinéraire ou un Camino complètement différent avant de revenir sur le chemin que j’avais commencé. C’était un défi émotionnel et social… en particulier lorsque vous rencontrez des personnes que vous appréciez vraiment et avec lesquelles vous vous sentez en contact.

Lorsque j’ai quitté le Camino del Norte pour marcher sur le Camino Lebaniego, je me suis immédiatement rendu compte qu’au moment où je reviendrais sur le Norte après quelques jours, je serais dans une cohorte complètement différente – et que beaucoup des gens que j’avais vus par intermittence au cours des dernières semaines seraient maintenant devant moi et qu’un tout nouvel ensemble de personnes marcherait sur le chemin avec moi et autour de moi.

Cela dit, il est possible d’adapter son rythme lorsque la situation l’exige. À un moment donné, j’ai rencontré une jeune femme espagnole qui marchait lentement parce qu’elle avait mal au pied. J’ai ralenti mon rythme intentionnellement pour passer un peu de temps avec elle, et nous avons eu une conversation profonde sur certains des choix qu’elle avait dû faire dans sa vie en dehors du Camino, ce qui explique pourquoi elle marchait. Si j’avais simplement suivi mon rythme, je n’aurais jamais eu l’occasion de discuter avec elle. De même, j’ai marché avec une Française et son fils pendant quelques jours et nous semblions tous deux nous accorder au rythme de l’autre, même si je soupçonnais qu’elle marchait normalement beaucoup plus vite que moi.

Il est difficile de se dire au revoir à plusieurs reprises et, à la fin du premier mois, j’ai commencé à hésiter à entamer une conversation et à nouer des liens avec une nouvelle personne, sachant que je devrais inévitablement lui dire au revoir à nouveau.

Mais tout comme dans la vie, nous accueillons sans cesse des personnes sur notre chemin et nous leur disons au revoir. Ils contribuent à façonner nos cœurs pendant le temps où nous les connaissons, et nous portons cette rencontre avec nous longtemps après que cette partie du voyage soit passée. Marcher sur le Camino est un bon exercice pour ceux d’entre nous qui ont du mal à lâcher prise. C’est aussi un rappel que la valeur de la rencontre en vaut la peine, même si l’on sait qu’elle ne durera pas éternellement. Chaque moment est apprécié pour ce qu’il est, et non pour ce qu’il ne sera plus à l’avenir.

Risquer une relation en sachant qu’elle n’est pas permanente est une leçon importante. Pour beaucoup de nos paroisses, il est tout aussi difficile de se défaire de ce que nous avons toujours connu sous le nom d’« église ». Alors que le monde évolue, nous devons nous demander si nous sommes prêts à laisser tomber les choses auxquelles nous nous accrochons, sans essayer de marcher à un rythme si différent du nôtre que nous ne pourrions pas le soutenir.

Comment, en tant que famille ecclésiale, marchons-nous sur notre propre Camino et cherchons-nous à être pertinents pour ceux dont le rythme est en accord avec le nôtre ? Comment entamer des relations qui, nous le savons, ne sont pas garanties pour la vie, tout en savourant les moments partagés ? Certains marcheront avec nous pendant quelques semaines, d’autres resteront des années, et parfois nous devons adapter notre rythme pour pouvoir faire une rencontre importante avec quelqu’un qui remodèlera notre cœur ou le sien.


Éric Hébert-Daly a passé les mois de juin et juillet 2024 à parcourir le Camino del Norte, le Camino Lebaniego, le Camino Primitivo, le Camino Inglés et le Camino Muxia/Finistera dans le cadre de son congé sabbatique. Il a parcouru 1458 km avec son sac à dos, traversant des montagnes, des champs et des côtes, tout en priant pour les communautés de foi et les pasteures et pasteurs. Éric partagera quelques réflexions sur son voyage au cours des prochains mois.