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​Depuis mon retour, plusieurs personnes m’ont demandé comment l’expérience du Camino m’avait changé. Il est vraiment difficile de résumer un voyage de deux mois et son impact. Un pasteur luthérien américain que j’ai rencontré vers la fin de mon voyage m’a dit qu’il lui avait fallu un an pour faire le point sur son premier Camino. Si cela m’a semblé long à l’époque, je commence à comprendre ce qu’il voulait dire. Comme un oignon, vous continuez à éplucher les couches et parfois il y a des larmes qui en résultent.

La version courte de la façon dont j’ai été changée peut-être décrite comme un cœur resculpté, remodelé et rendu beaucoup plus sensible à ceux qui m’entourent. Ne vous méprenez pas, je n’étais pas froid et insensible jusqu’à présent, mais j’ai l’impression que chaque rencontre a laissé sa marque sur moi.

Le soldat ukrainien qui était en congé de convalescence après avoir été blessé par balle et qui a marché seul sur le Camino, réfléchissant à la perte de tous ses amis pendant la guerre. Le Hongrois qui a perdu sa femme de 40 ans à cause de Covid et qui marche pour se souvenir d’elle et de son essence. Le jeune Allemand qui luttait contre l’alcoolisme et qui s’éloignait des choses bien plus qu’il ne marchait vers quelque chose. La jeune Israélienne qui a tressailli en entendant un coup de canon de célébration dans un village local. Deux jeunes qui ont trouvé l’amour en marchant. Un couple américain qui a offert une bénédiction à d’autres pèlerins avec leurs pendentifs phosphorescents. Les personnes qui ont perdu un objet précieux sur la route et qui l’ont retrouvé parce qu’un autre pèlerin l’a trouvé et l’a emporté avec lui dans l’espoir de retrouver son propriétaire. Discutant de ce que Rimbaud essayait de dire en marchant avec un jeune homme français qui étudiait pour un examen de poésie. Et je ne fais que toucher la surface des histoires que j’ai entendues et que j’emporte avec moi.

C’est ce que je veux dire lorsque je parle d’un cœur resculpté et des larmes qui montent à mes yeux lorsque je me souviens de chacune de ces personnes. Nous marchons tous sur le chemin pour toutes sortes de raisons, mais la chose que nous avons en commun est que nous marchons avec le cœur ouvert. Nous venons au Camino en anticipant la transformation et sommes donc ouverts à celle-ci. Lorsque votre cœur est ouvert, il est également très vulnérable. Mettez toutes ces personnes au cœur ouvert sur la même route et il est difficile de ne pas être transformé.

J’ai entendu certaines personnes me dire qu’elles s’attendaient à une expérience extérieure de révélation sur le chemin et qu’elles ont été déçues de ne pas la voir se produire. Je suppose que cela dépend fortement de l’idée que l’on se fait de l’origine de la révélation. Beaucoup de gens considèrent Dieu ou la présence divine comme quelque chose d’extérieur à eux, à distance, qui vient occasionnellement leur rendre visite dans l’éclat de feu d’un buisson ardent ou dans un ciel qui s’ouvre avec une voix forte venant d’en haut. Mes rencontres divines ont toujours été plus intimes que celles-là. Même mon appel au ministère s’est fait dans un endroit très ordinaire (une buanderie) et s’est révélé comme un rideau que l’on tire, me permettant de voir ce qu’il y a de plus profond en moi. Le but de mon âme s’est révélé.

Le Camino est profond si vous le parcourez intentionnellement avec un cœur ouvert. La transformation ne vient pas de l’extérieur… elle vient de l’ouverture intérieur aux expériences et aux rencontres sur le chemin. Cela vous remodèle, vous ouvre encore plus. Il m’aide à ressentir plus profondément la joie et la tristesse. Il m’aide à faire preuve d’une empathie nouvelle. Il m’a ébranlé d’une manière qu’il me faudra beaucoup de temps pour assimiler complètement, mais d’une manière qui, je pense, me rend plus aligné sur le rêve que Dieu a pour nous tous.

Lorsque je réfléchis aux ministères de nos paroisses, je me dis qu’il est essentiel pour nous d’offrir un espace pour cette rencontre transformatrice. Ceux qui franchissent nos portes pour la première fois sont venus avec de l’anxiété, mais aussi avec une ouverture à la rencontre. Comment les accompagner et leur offrir l’espace nécessaire pour toucher le divin au milieu de nous? Nos rassemblements peuvent-ils faciliter la formation du cœur et l’engagement profond de l’esprit? Peuvent-ils être remplis d’émerveillement, de mystère et d’amour profond?

Lorsque beaucoup d’entre nous allument la bougie du Christ lors de nos cultes, nous disons que la lumière de la bougie est comme Jésus. Je considère l’Église comme le lieu qui aide à porter cette lumière, la bougie et la mèche, qui aident les gens à se connecter. Nous ne sommes pas la lumière nous-mêmes, nous lui donnons seulement un espace et de l’énergie pour briller, tout comme le Camino fournit l’espace pour la transformation. Notre Église a déclaré que la spiritualité profonde est un objectif clé pour nous. Je pense que c’est comme ça que nous pourrions le faire.


Éric Hébert-Daly a passé les mois de juin et juillet 2024 à parcourir le Camino del Norte, le Camino Lebaniego, le Camino Primitivo, le Camino Inglés et le Camino Muxia/Finistera dans le cadre de son congé sabbatique. Il a parcouru 1458 km avec son sac à dos, traversant des montagnes, des champs et des côtes, tout en priant pour les communautés de foi et les pasteures et pasteurs. Éric partagera quelques réflexions sur son voyage au cours des prochains mois.