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Je ne peux pas vous dire à quel point je suis heureux d’être parmi vous! J’ai tellement prié pour vous et j’ai tellement voulu être là avec vous. Il a fallu que je devienne le ministre exécutif pour le faire!

En ce dimanche des Rameaux, l’image de la route entreprise par Jésus pour entrer à Jérusalem, sur une ânesse… un roi que nous acclamons malgré la simplicité de son arrivée. Nous utilisons les produits et les tissus qui sont facilement disponibles… les branches des arbres, les manteaux que nous portons déjà… il ne s’agit pas d’avoir pavé les routes d’or ni de créer les grands chariots du temps qui était commun dans l’Empire romain.

On aurait l’impression que cette parade, cette manifestation, était improvisée… faite à la va-vite sans trop y réfléchir. On dirait que Jésus était en train de faire ce qu’il pouvait avec les outils qu’on lui donnait à court d’avis.

Mais ce n’est pas ça du tout. Jésus avait un objectif très clair en tête. La route, la bête, les branches de palme… Jésus est en train de faire une allusion aux grandes processions romaines. Ces parades militaires ou l’empereur arrivaient chez lui avec les richesses des nations qu’il avait conquises, avec une lignée de prisonniers derrière son chariot pour démontrer sa force personnelle et sa conquête.

Jésus n’est pas en train de vouloir imiter les Romains… il est en train de se moquer d’eux. Il ne voulait pas copier l’empire… il était en train d’envoyer un message clair – que ce qu’il apportait était complètement différent… complètement l’inverse de ce qu’offraient les autorités militaires. Il offre une vraie paix, et une victoire sur tout ce qui apporte la mort.

Alors il ne s’agit pas d’un manque de préparation… Jésus semble être très clair sur son objectif. Il va directement à l’encontre des pouvoirs dominants pour défaire les idées préconçues de la société. Et si vous pensez que le tout s’est fait à la dernière minute sans réflexion… lisez bien le texte de l’évangile… Jésus envoi deux disciples à un endroit particulier, chercher l’ânesse et son petit pour les ramener. Jésus avait déjà planifié! Il avait déjà prévu le coup.

Son message clair, sa moquerie évidente pour tout le monde… il devait savoir que cette action allait attirer l’attention des autorités… et que les autorités sauraient qu’il était en train de prôner un monde différent. Il se mettait nettement contre le modèle de l’Empire romain.

Notre Église fait la même chose de nos jours. Nous n’étions plus dans les années cinquante quand la participation à l’église était attendue, une norme de la société. Dans un temps que l’Église catholique était tellement liée au gouvernement qu’on ne voyait pas de lumière entre les deux. Un temps que l’Église était le modèle de l’empire, le chariot de victoire et le pouvoir incarné. L’Église a bien mérité sa débarque pendant la Révolution tranquille au Québec.

Mes parents, enfants de la Révolution tranquille, ont tout fait pour éviter l’église. Ils ne voulaient rien savoir de cette institution qui a exercé un contrôle agressif et parfois violent. Jusqu’au point que ma mère a pleuré quand je lui ai annoncé que j’allais devenir pasteur. Elle a trouvé ça plus pénible que lorsque je lui avais annoncé que j’étais gai.

En tant qu’Église on avait perdu notre sens de ce que Jésus avait fait en prenant le chemin vers Jérusalem… cet acte révolutionnaire, contre-culturel, qui mettait l’emphase sur l’amour, sur la paix et sur la justice au lieu du pouvoir.

En perdant le nord, l’Église a été son propre pire ennemi.

Et plusieurs d’entre vous, vous allez me dire, « oui, mais l’Église Unie est différente ». Oui, c’est vrai, l’Église Unie a souvent pris le chemin courageux, a su s’enraciner dans le message du Christ… mais nous avons aussi pris des décisions dans notre histoire qui ressortait d’une attitude de supérieure… les pensionnats en sont un bon exemple.

Être l’Église d’aujourd’hui, dans un monde séculaire, égoïste et individualiste, ça exige une conviction profonde… un peu de courage et de planification… comme Jésus l’a fait dans son entrée à Jérusalem entouré de rameaux.

C’est encore plus difficile dans un monde où la droite religieuse a pris tellement de place sur la scène publique que le conservatisme et la foi chrétienne sont perçus comme des partenaires inséparables. Un autre exemple de la foi chrétienne manipulé à des fins égoïstes.

Lorsque nos églises ferment les portes et que la société veut nous mettre à notre place – dans un petit coin de vie privée, il est pénible de s’afficher, de contrer la perspective dominante. Notre foi ne s’arrête pas aux portes de ce temple… mais avec la perspective généralisée de la foi chrétienne, comment pouvons-nous inviter les gens qui ne savent pas qu’on est là?

Quand nous parlons d’évangélisation, c’est souvent dans l’optique de « sauver des âmes » pour que les gens ne soient pas amenés à l’enfer… comme si ce que nous croyons était la seule clé à la vie éternelle. Si nous, en tant que personnes de foi chrétienne, nous devons être à 100pc exacts dans nos croyances et qu’on ne peut pas, en tant que communauté être à 100pc uniformes sur nos croyances, il est clair qu’on aura toujours tort et qu’aucun de nous ne se retrouvera au ciel. C’est clairement ridicule. Et ce n’est pas du tout biblique.

L’évangélisation doit se faire, comme dit le plan stratégique de l’Église Unie du Canada, avec confiance et humilité. La confiance de parler avec les gens de notre vie spirituelle, de ce que notre foi nous apporte, de ne pas avoir peur d’exprimer comment notre foi nous a changés (et continue à nous changer). En même temps, nous devons toujours être soucieux d’être humble dans notre foi… sachant que la foi que nous avons quand on est jeune évoluera, que nos discussions entre nous sème de nouvelles idées et nous aide à grandir… il faut toujours permettre à notre foi la capacité de changer et d’évoluer.

Alors en invitant les gens à découvrir avec nous, d’être ouvert à la transformation, nous offrons la capacité de bâtir un monde nouveau. Mais il faut deux choses pour le faire : le courage et la planification.

C’est les deux choses dont Jésus fait preuve dans l’Évangile de ce matin. Il connait l’impact de ses actions en se moquant des autorités. Il prépare le chemin malgré tout. Malgré que certains ne comprendront pas ce qu’il fait. Que d’autres seront offensés. Et que le tout l’amènera vers la croix.

Mais comme toutes nos églises qui vivent des moments pénibles dans notre contexte aujourd’hui, nous sachons que la mort de Jésus n’est pas le dernier mot. Nous passerons toutes et tous au vendredi saint, mais avec confiance que Pâques arrivera.

Les paroisses de Saint-Jean et de Camino sont en transition. Vous essayez de trouver des moyens de vivre de manière fidèle au message du Christ. Vous naviguez les défis à l’externe, à l’interne et même dans chacun de vous en tant qu’individu.

Je ne peux que vous recommander de suivre le modèle du Christ avec courage. Faites un bon plan, sachez que ça ne sera pas facile, mais embarquez sur l’ânesse et faites la route ensemble. La résurrection nous attend.

 

  • Pasteur Éric Hébert-Daly est le ministre exécutif régional du Conseil régional Nakonha:ka, Eastern Ontario Outaouais Regional Council et East Central Ontario Regional Council. Ces réflexions ont été partagées avec les communautés de foi de l’Église Unie Saint-Jean et de l’Église Unie Camino de Émaus en avril 2023.