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À l’occasion du Jour de la Terre, quel enseignement pourrions-nous tirer du décalogue, ce condensé de sagesse transmis par l’une des plus anciennes traditions monothéistes? Le quatrième commandement « Honore ton père et ta mère » retient notre attention parce qu’il y est présenté comme la condition d’une vie longue et heureuse « sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu » (Dt 5,16). Le christianisme, qui, dès ses origines, a donné un sens universel à l’amour du prochain en le liant intrinsèquement à l’amour de Dieu, ne devrait-il pas, par fidélité à Jésus, élargir aussi la portée du quatrième commandement?

La place donnée au respect des parents dans le décalogue traduit les valeurs des sociétés traditionnelles et exprime une sagesse trop souvent oubliée aujourd’hui. Dans ces sociétés où les changements étaient lents et presque imperceptibles, les aînés étaient détenteurs des savoirs nécessaires à la conduite d’une vie bonne. Ainsi, tous croyaient qu’ils devaient à leurs prédécesseurs les conditions rendant possible la suite heureuse de leur existence. Par conséquent, il y était normal et requis de montrer sa gratitude et son affection envers les parents et grands-parents qui avaient pourvu aux besoins de leurs descendants.

En ce début de troisième millénaire, la foi en la possibilité d’une suite heureuse de l’humanité chancelle. L’horizon s’assombrit avec les changements climatiques dont les effets sont de plus en plus dévastateurs. À ces cataclysmes, s’ajoutent la recrudescence des conflits armés, la montée des régimes autoritaires et l’explosion des migrations dues aux insécurités économiques et civiles. Nous le savons, ces phénomènes sont interreliés. Les guerres, ces entreprises meurtrières, accélèrent la détérioration de l’écosystème terrestre en détournant d’énormes quantités de ressources de toute finalité positive, en détruisant les infrastructures et en rejetant ses déchets et ses poisons dans la nature. Dans l’autre sens, les populations les plus touchées par les perturbations du climat sont soumises à des niveaux de stress élevés et constants qui augmentent les risques de conflits locaux ou de plus grande ampleur.

L’être humain se comporte comme  un parasite privé de l’instinct de survie

Dans ce contexte, le quatrième commandement acquiert une pertinence écologique et une portée planétaire. Homo sapiens est le dernier-né des enfants de la Terre : nous y sommes apparus très longtemps après qu’elle ait engendré la vie il y a plus de quatre milliards d’années. En moins de 300 000 ans, nos aptitudes exceptionnelles d’apprentissage collectif nous ont permis de devenir des superprédateurs capables de dominer les plus grands animaux et d’exploiter des sources d’énergie toujours plus puissantes et potentiellement dévastatrices. Par les progrès de nos savoirs et de nos industries, nous nous sommes hissés jusqu’à une position de corps-à-corps avec notre Mère-Terre, sans tenir compte de notre extrême dépendance envers elle ainsi que des limites de ses ressources et de ses capacités régénératives. En vérité, nous fragilisons à ce point notre milieu que notre comportement ressemble à celui d’un parasite privé de l’instinct de survie. Pourtant, notre ADN nous destine à aimer la Terre puisque nous sommes faits des mêmes matériaux, ces « poussières d’étoiles ».

Ce constat souligne la nécessité de réorienter nos apprentissages collectifs pour dépasser le modèle actuel qui appauvrit une part grandissante de la population mondiale et qui risque d’anéantir l’héritage des jeunes et des futures générations. Nous aimons les récits, comme en témoignent les succès de librairie des romans. Alors pourquoi ne pas valoriser davantage notre grand récit commun écrit par la science? De la même façon que l’enfant découvre qui il est en s’identifiant à ses parents et en construisant sa relation avec eux, nous pourrons, en approfondissant notre lien d’appartenance à la Terre-Mère, apprendre à mieux nous connaître et nous aimer. Nous améliorerons ainsi nos habiletés collectives à y vivre en paix de façon pérenne. Il en va de notre survie.

Roger Boisvert
Avril 2024